Alain Hivert, un autre regard.
Sans différer davantage, je vais me
limiter à présenter une rencontre, qui dans « l’art de la
prestation », et le temps d’un spectacle, se paye le luxe d’être Moustaki.
Et pourquoi, est-ce important, de présenter Alain Hivert ?Parce qu’Alain
Hivert a la fonction d’« interprète », et qu’il est essentiel de
penser cette fonction.
Et de la sorte, il est indispensable que des
interprètes existent !
Alain Hivert :Talentueusement
"interprète".
Ce
fut tout à fait par hasard.
Une vieille devanture, une affichette « Alain Hivert chante
Moustaki ». Un entretien téléphonique. Et l’avéré temps des vacances,
où la durée s’impose à l’horizontale.
Suit une route ardéchoise. Arrive
Albon. « Le pays du bois et de l’or » ? Peut-être monsieur
Alain Hivert. Mais là, dans la montagne, dans la France, où le temps est encore
cerise, je sais proche le pays d’un chanteur discret, qui a abondamment célébré
Aragon, la femme et la liberté. Et ce soir là, divinement vous avez interprété
votre ami mélodiste, et de plus, vous l’avez anecdoté avec justesse et respect.
Et, pour ne donner qu’un exemple : Mon vieux. Qui peut savoir… Daniel
Guichard ? Non, Jean Ferrat !
A Albon, il y eut aussi comme un trouble délicieux. Cinq
cent mètres à avancer. Un sentier ombragé. Le pied peu assuré. Obstacles entre
eaux et châtaigniers. Comme un vertige entre ciel tourmenté et dénivelés. Et hors du monde, une gourmandise à savourer….
Et vint le jour…
Mardi 12 août – Chambon le château –
Une rencontre orchestrée. Des échanges.
Saisissants et délicats, ils furent ! Et
j’emploie le mot échange et non entretien, parce que rien n’était académique et
rien n’était calculé.
D’autant que dans son regard et dans ses mots et dans ses silences, il y avait
de la générosité, de l’abandon, de la sensibilité, de l’hommage et de la
mesure.
Et d’autant aussi, qu’il est abreuvé de lectures "de et sur" Georges
Moustaki, jusqu’à surabondance.
D’autant encore, qu’Alain Hivert est marqué et pénétré par ces chansons
Moustakiennes qui glissent le long de la peau, qui se déposent et qui assiègent
l’homme sans jamais vouloir fuir.
Et d’autant plus, et cela a son importance, qu’il parle si bien de Georges
Moustaki !
Alors, ce furent des échanges, en toute simplicité.
Merci Monsieur Guy Martin, maire « du Chambon ».
Merci Monsieur Géo Matagrin, des « Voix sur scène ».
Sans vous, rien n’aurait été.
Tout ce qui va suivre, est un peu à l’attention de
Monsieur Georges Moustaki.
Echanges
avant le concert.
Le titre de votre spectacle évoque votre goût pour le chanteur Georges
Moustaki. Pouvez-vous m’en dire plus ?
Alain Hivert :
« Pourquoi Georges Moustaki ? Parce que c’est
Moustaki qui m’a donné envie de chanter. Il ne le sait peut-être pas.
Mais j’avais 15 ans à peu près, quand il est sorti avec Le métèque. Avant, il était très connu dans le milieu de la chanson
d’auteur, mais le grand public que j’étais, dont je faisais parti, ne le
connaissait pas. Quand il est sorti avec Le
métèque, pour moi ce fut un coup de foudre, une révélation notamment. Et je
n’ai fait qu’écouter du Moustaki, sa voix, sa philosophie. J’oserais même dire
son personnage, même son visage, quoi … il y avait je ne sais pas … C’était
comme un coup de foudre ».
Alors, vous vous êtes
arrêté au « Métèque », ou vous avez continué à le suivre ?
Alain Hivert :
« Oh la la, mais je le suivais ! J’ai tous ses disques à la
maison ! Non, le dernier… j’attends mon anniversaire. Et, j’ajouterai
surement, une dernière chanson qu’il a faite sur la guitare, qui est magnifique.
Mais, pour l’instant, elle ne sera pas au programme ce
soir. Et puis voilà, Moustaki il m’a accompagné, disons toute ma vie. C’est lui, qui m’a donné envie de chanter, d’être ce que je suis
véritablement ».
En quelque sorte, il vous a
construit ?
Alain Hivert : « Je pense qu’on peut
dire ça. Même si, maintenant, je suis bien moi-même. (Rires) Il n’y a pas du
tout, comment dirais-je, de transfert d’identité. Il
n’y a rien, mais j’ai toujours aimé Moustaki. Et
puis, il y a deux ans, j’ai eu envie, par je ne sais pas, … je ne sais pas
… Vous savez les caprices. J’ai eu
envie de monter un spectacle sur Georges Moustaki. Donc,
là je me souviens. C’est toujours magnifique quand on monte un spectacle, parce
que c’est une aventure très, très, très vaste. J’étais à Vaison la romaine, il
faisait beau, et il faisait chaud et puis … j’avais … du temps, et énormément
de temps devant moi. Voilà, j’avais déjà pas mal de livres, sur Moustaki et de
Moustaki, dans ma bibliothèque. Mais, j’en avais trouvé trois
autres, à Vaison la romaine, à la librairie, que j’ai raflés, et je me suis
re-imprégné. Il y a pleins de feuilles qui intercalent certaines pages, pour
retrouver des données bien précises. Mais j’ai pris un malin plaisir, à
retrouver bien des livres, un qui était écrit par Moustaki, et deux autres
écrits, je ne sais plus par qui… Et puis là, j’ai trouvé
pleins de choses, qui m’ont servi pour le spectacle et surtout pour me
re-imprégner du personnage. Parce que, quand on fait ce
métier d’interprète, maintenant je suis un interprète, parce que je n’écris
quasiment plus de chansons. Quand on fait ce métier
d’interprète, c’est un métier d’acteur qu’on fait. Donc, il faut complètement
s’imprégner des personnages qu’on chante. Un, pour ne pas les imiter, et deux,
pour pouvoir les interpréter, pour pouvoir faire revivre ces personnes à
travers une autre interprétation. Voilà, c’est comme ça que je vois ce métier
d’interprète. Comme il y a de la musique, on dit interprète ; mais
ça pourrait être tout à fait un métier d’acteur ! »
Pendant que vous répétiez, j’ai entendu
des chansons que Georges Moustaki ne chante pas lui-même, Moi j’ai le temps et Madame
nostalgie…
Alain Hivert : « Oui, en fait ce sont des chansons qu’il a
signées et qu’il avait données, je crois, à Serge Reggiani. Mises à part Sarah et Votre fille a vingt ans, Ma liberté aussi
… Mais je crois que les autres, il ne les a jamais chantées
dans un disque, ou sur scène, sous son nom. Et, c’est vrai que la plus part du
temps, à la sortie du spectacle Moustaki, les gens me disent : "Mais
la chanson que vous avez chantée là, Madame
nostalgie ou alors… c’est de Reggiani, ce n’est pas de Moustaki".
Alors, on est obligé de leur expliquer, que Reggiani était un interprète
fabuleux, mais un interprète, qui avait ses auteurs dont Georges Moustaki, qui
a dû lui écrire une dizaine de chansons me semble t-il. »
Comment
faites-vous pour sélectionner les chansons de votre spectacle ? N’y a-t-il pas
une difficulté ?
Alain Hivert :
« C’est toujours un peu dur de faire un choix, parce qu’il y a des
chansons de Georges Moustaki qui lui sont très proches, très intimes, je pense
à Boucle d’oreille par
exemple… ».
Le
facteur, aussi ?
« Le facteur, oui. Mais,
je mettrais un bémol. Le facteur est
une chanson, un texte d’Hadjidakis, que Hadjidakis avait demandé à Moustaki de
traduire et d’y mettre une musique dessus, mais c’est une chanson qui est très
connue. En revanche, Boucle d’oreille, on
sent l’intimité, j’oserais même, presque dire la sensualité de Georges
Moustaki, et je pense que c’est une chanson qui lui est propre. Voilà le genre
de chansons, que jamais je ne me permettrais de chanter. Donc, voilà, déjà on
sélectionne par … Comment dirais-je vraiment, la chanson intime qui colle à la
peau de Moustaki, donc on comprend, on n’a pas envie de l’efflorer, il y a une
déférence, une pudeur. Puis, il y a après, les chansons que l’on
ressent soi, et puis, il y a les chansons que le public vous indique :
"Ah, cette chanson vous ne l’avez pas mise !" Alors finalement,
quand j’entends ça, je retourne chez moi, j’essaye la chanson, et si je la
sens, je peux effectivement la rajouter. Et, si on m’a dit la chose deux ou
trois fois, après je me dis "tiens … peut-être que cette chanson, finalement
moi je n’y avais pas pensée, mais le public lui y pense, donc il faut la
mettre." Par exemple Joseph. Joseph d’aucun
me disait "Ce qu’elle est belle, cette chanson ! Vous devriez la mettre etc.…" Et puis voilà, j’ai fini par la mettre.
Alors que je ne pensais pas que les gens aient envie de l’entendre. En
revanche, je pensais que Le temps de
vivre, … que les gens avaient envie de l’entendre, et peut-être c’est,
c’est …. C’est moindre qu’une chanson comme Gaspard. Donc, Gaspard est inclus. »
Gaspard,
chanson que Georges Moustaki a chantée dernièrement en Espagne avec Danse…
« Ah oui ! Gaspard est
magique. Ce texte de Verlaine, ça me fait penser un petit peu à Jean Ferrat. En
spectacle, je dis volontiers de Ferrat, qu’il est un des meilleurs mélodistes
de sa génération. Je dis bien, mélodiste, pas musicien. Mais, Moustaki aussi. Avec des textes comme Gaspard, … ou
Le facteur, qui est quand même un
texte qui lui est étranger, en ce sens que ce n’est pas lui qui l’a écrit à la
base … Et il arrive à faire tourner rond paroles et musique. On a l’impression, que c’est lui qui l’a écrite, cette chanson. Je parle de
Le facteur par exemple. Et puis, Gaspard, et bien oui,
on a l’impression oui, que c’est une chanson autobiographique. Alors que c’est l’histoire de Gaspard Hauser. »
Avez-vous
rencontré Georges Moustaki ?
Alain Hivert :
« Oui, mais il y a longtemps (un regret passe dans sa voix). Vous savez,
Georges Moustaki a une grande pudeur … Alors, nous autres interprètes, c’est pire !
(Rires) Mais c’est vrai que c’est un Monsieur … Vous
savez, je pense que, quand Moustaki parle de son entrevue avec Henri Miller …
C’est un peu la même chose ! (Rires à nouveau) Et, comme je n’ai pas envie
que cela se termine en une partie de ping-pong, puisque c’est ce que lui avait
proposé Miller, parce que je suis très mauvais en ping-pong … (Silence sage) Je ne vais quand même pas, laisser gagner Georges
Moustaki ! Donc voilà, je reste un peu … »
Est-il venu vous voir ?
Alain Hivert : « Non, parce que vous savez, ça fait
seulement deux ans que ce spectacle est monté. »
Georges Moustaki dit « Sans
émotion, on n’écrit pas », il dit aussi « Une chanson c’est exprimer
une émotion, et c’est la faire ressentir » Quand pensez-vous ?
Avez-vous la même analyse ?
Alain Hivert : « Tout à fait, et je pense que ça, il l’a
dit à une interview … dans un train, dans un TGV, car dernièrement j’étais sur
internet, et je revisitais un petit peu tout ce qui appartient à Georges
Moustaki. Toujours pareil, pour toujours s’imprégner… quand on
interprète ! Bien sûr, j’étais d’accord avec lui. J’irai
même au-delà de la chanson, des chansons de Georges Moustaki, de l’œuvre de
Georges Moustaki. La chanson, en général, actuellement, c’est une chanson de
sensation, donc, qui met en exergue le sensationnel. Mais, ça ne reste pas.
C’est éphémère. C’est plat. C’est vide. C’est décérébralisé… Alors que la
chanson, telle que Moustaki et d’autres de sa génération la concevaient, je dis
« la concevaient » dans ces années là, bien sûr, c’étaient … ça
restent des chansons d’émotion. C’est de l’émotionnel, et
c’est ce qui en fait la richesse ! Je pense d’ailleurs,
entre parenthèses, dans le monde de la chanson, actuellement tel qu’il est
construit, un de nos derniers grands poètes, j’appelle Poète, un Monsieur
capable de nous balancer des frissons d’émotion, de nous balancer du littéraire
dans ses lignes, dans ses textes, est Renaud. Après, je ne vois plus
guère de grands, de chanteurs. Certains, bien sûr
laisseront une carrière. Mais delà à laisser une œuvre ! Et je pense que Moustaki … (Il se tait) »
Est-ce une œuvre ?
« Moustaki ? (Très étonné)
Indéniablement ! Indiscutablement c’est une
œuvre. Et je pense qu’elle est, qu’elle sera d’autant plus longue, voire
éternelle dans le temps, à côté de certains de ses congénères, que Moustaki …
Ce sont des chansons universelles ! Alors, qu’est ce que
cela veut dire ? Cela veut dire, qu’elles sont intemporelles ! Et en
même temps, elles sont littéraires ; et en même temps, il y a une sorte de
philosophie qui est sous-jacente, qui vient vous glisser le long de la peau.
Et, vous vous en imprégnez sans le savoir … C’est ça, la force de
Moustaki ! Et, c’est pour ça, qu’encore actuellement à 74 ans, il est
encore sur scène, et qu’il remplit ses salles autant au Portugal, qu’en France
et que dans le monde. »
Sur
votre plaquette, vous dites des choses très belles concernant Georges Moustaki.
Vous
parlez de poésie, de philosophie, vous parlez aussi
« d’émancipation ». Cela veut dire quoi ?
Alain.Hivert. : « C’est
tout à fait, ce que Moustaki m’a apporté, c’est-à-dire dès mes 15 ans, il m’a
construit … Il m’a construit, comme je le mets dans cette documentation, il a
façonné ma route. Il m’a fabriqué ! Il m’a fabriqué sans le savoir ;
parce que je voulais bien adhérer à la philosophie qui émane ostensiblement de
toutes ses chansons, je dis bien de toutes ses chansons !»
Vous
êtes à l’affiche en chantant Ferrat, en chantant Moustaki, n’est ce pas un peu
frustrant ? Pourquoi ne pas vous faire connaître auprès du public, avec
vos propres compositions ? La chanson d’Antraigues est une délicieuse chanson,
c’est vous qui l’avez composée ?
Alain Hivert :
« La chanson d’Antraigues, ça c’est moi. Pour le
reste, c’est la question que beaucoup d’amis ou de personnes, effectivement qui
m’interrogent, ou qui m’interviewent, me posent. Eh ma foi, non. Pas
du tout frustré ! Ce n’est pas une réponse, parce que là,
je suis en face de vous, et que je ne vous connais pas. C’est tout à fait sincère, cette réponse. Comment vous dire, j’ai un
tel… (Il réfléchit), peut-être, vous me comprendrez mieux après avoir vu le
spectacle. C’est construit un spectacle bien sûr. C’est voulu. Tout est
millimétré presque, dans un spectacle. Mais, je n’ai … (à nouveau il
réfléchit). La frustration que je pourrais ressentir, c’est de ne plus pouvoir
chanter ni Ferrat, ni Moustaki. Mais, de ne plus chanter mes chansons, pas du
tout. Pas du tout, parce que, si toutefois je repense à mes
chansons, je n’ai pas envie du tout d’exploiter ces chansons. En revanche,
c’est un tel, comment dirais-je, …, il y a tellement d’amour à la sortie des
salles de spectacle, dans lesquelles je passe ; j’espère que ce soir, ça
ne me fera pas mentir… Il y a tellement … Pour moi, la chanson si vous voulez,
c’est vrai que quand je signe un disque, je mets « Quand la chanson fabrique de l’humanité » et trois points de
suspension. Et les chansons de Ferrat, et les chansons de Moustaki fabriquent
de l’humanité. Les chansons de Moustaki, vont plus loin même, elles fabriquent
de l’universel ! Il y a …(un silence) On se sent bien, vous savez quand on
a lu un livre, qu’on a pas du tout envie d’aller en reprendre un avant une
semaine, avant 15 jours, parce que le livre que l’on vient de finir continue à
vous irradier de bonheur, de bien être. Les chansons de Moustaki, et le
spectacle de Moustaki, quand c’est moi qui le fait, ça me fait exactement la
même chose ; et bien que chantant Moustaki, dernièrement encore, comme je
l’avais vu à Vaison la romaine, (bien entendu j’étais dans le public comme tout
le monde. Bien sûr je n’ai pas du tout envie de l’ennuyer), c’était un
véritable bonheur encore. Un véritable bonheur, et puis … Combien de fois, à la
maison, je repasse les disques de Moustaki, parce que ça fait du bien ! Voilà. Dans ce cas là, je redeviens public. Mais
pour parler de frustration, elle ne peut pas être. Parce que un tel bonheur,
une telle connivence, le public, un tel amour avec le public, parce que c’est
quand même, ce que l’on vient chercher. C’était Le Forestier qui m’avait dit
« On donne de l’amour pour pouvoir
en recevoir ». Je pense qu’il avait eu l’honnêteté de le dire, et je
crois que c’est exactement ça quand on fait ce métier. L’important, c’est que
ça soit beau comme les chansons de Moustaki, beau comme les chansons de Ferrat,
et dans ce cas là, ça passe ».
Vous
avez fait une chanson pour Ferrat, est ce que vous en avez faite une pour
Georges Moustaki ?
Alain Hivert :
« Non. Je dis, pas encore. Parce
que, je pourrais fort bien, peut-être qu’un jour que … j’en fasse une. Mais,
c’est vrai que j’ai tellement peu envie de faire une chanson mièvre ! La chanson que j’avais faite pour Ferrat,
est venue d’un seul coup, d’un seul. C’est un très grand souvenir de création.
C’est vrai que j’avais écrit beaucoup de chansons, autrefois. Et celle-ci, elle
est née d’une rencontre que j’avais, au tout début, que j’avais faite avec
Ferrat. On avait bien discuté, puis je rentre chez moi, et deux ou trois jours
après, d’un seul coup, d’un seul, j’ai pris mon stylo, et j’ai écrit cette
chanson. Mais, sans faire de rature, sans faire, à peu près …
pratiquement, aucune rature ! Et même la musique, elle-même
est venue se caler directement sur les mots. Et elle n’a pas bougé.
Alors que, vous savez, une chanson c’est un peu comme des fondations. Quand je
vois que Moustaki, au début chante (et Alain Hivert se met à chanter) :
On nous dira
qu’on a tord de chanter
La fraternité
et la liberté
Et après, il a transformé cette chanson. Donc, elle a bougé :
On me dira
que j’ai tord de chanter
La révolution
et la liberté
Voilà, une chanson bouge. Elle évolue comme une maison sur ses fondations, elle
va se mettre en place. Là, cette chanson, La
chanson d’Antraigues, que j’avais faite en pensant à Ferrat, n’a pas bougé.
C’est pour ça, que c’est un très grand souvenir. Et
donc, il faudra vraiment un énorme évènement, pour que, peut-être si un jour je
rencontre Georges Moustaki, (il hésite et est ému), deux minutes peut-être, ça
sera l’évènement qui fera que je vais avoir tout de suite envie d’écrire une
chanson sur lui !».
Avez-vous un projet de CD :
« Alain Hivert chantant Moustaki » ?,
Alain Hivert : « Si vous voulez, la grande différence
Ferrat et Moustaki, c’est que Ferrat ne chantait plus sur scène. Alors, il
continue de sortir des CD certes. Mais il ne chante
plus sur scène. Donc, je me suis réapproprié (il rit) les scènes sur
lesquelles, Ferrat ne montait plus d’une certaine façon. Moustaki, ce n’est pas
cela du tout. Il fait beaucoup plus de monde, que ce que je n’en fais en
tant que simple interprète ! Et pourquoi, je
ferais Moustaki simplement ? Pour qu’on puisse peut-être, visiter
Moustaki. Peut-être, avec un autre regard. Une autre oreille surtout. Parce que
je n’imite pas du tout Moustaki. Je l’interprète, avec ma personnalité. Donc on
peut voir, on peut sentir … et voilà, on peut visiter Moustaki, autrement. Mais de là, à
faire un CD … Non, car il chante sur scène. Il vend toujours ses
disques. Je ne pense pas en faire un de si tôt. Je ne pense pas,
mais on ne sait jamais… »
Et la femme dans la chanson de Georges
Moustaki ? S’il y avait une seule chanson qui résume la femme chez Georges
Moustaki, à laquelle penseriez-vous ?
Alain Hivert :
« Pour moi, c’est … (Quelques hésitations), s’il faut répondre de
suite, je dirais c’est Chanson du mois de
juin. La femme y est continuellement présente ! Mais, il y a eu
tellement, tellement … (Hésitations à nouveau), ça ne peut pas être Sarah. Parce que Sarah, il l’a faite sur la demande de Serge Reggiani. Mais ce serait trop simple… »
C’est quoi la femme chez Georges
Moustaki ?
Alain Hivert : « La femme, à mon avis pour Georges
Moustaki, c’est la sublime, la sublime avec un grand « S ». C’est
celle qui … C’est celle qui fait qu’on est des hommes. C’est celle qui fait
qu’on peut-être tendre. C’est celle qui fait qu’on peut-être, presque beau (il
sourit), c’est ….Vous savez, c’est un petit peu, ce que des Bardot, ou des
Deneuve étaient pour Gainsbourg. A cette différence près, c’est que Moustaki
n’a pas du tout le même, … Les femmes n’ont pas la même réaction avec Georges
Moustaki … Georges Moustaki, il émeut, il émeut par … C’est très
dur pour un homme de parler de tout ça, mais Moustaki, il émeut parce qu’il a
cette sensibilité de poète, presque d’éphèbe. Il a le monde entier en
lui ! Il a le voyage en lui ! »
C’est beau ce que vous dites.
« C’est vrai, c’est ça. Donc, les femmes aiment les poètes. Les femmes
aiment le rêve, aiment l’universalité et aiment cette force qui se dégage de
ces hommes qui sont à la fois tendres et forts, parce qu’ils ont le monde
entier en eux. Donc, Moustaki c’est tout ça. C’est
vrai, les femmes sont terriblement attirées par Moustaki me semble t-il. C’est comme
ça, que j’ai toujours ressenti les paroles de Moustaki, qu’il écrive une
chanson sur les femmes, et il y a Chanson
du mois de Juin, et il y en a tant d’autres. Il
est incroyable Moustaki ! Dans son disque, celui sur le cinématographe, où
il chante avec une grande… (Il cherche)
–Emma ?-
Emma voilà. C’est, c’est ….Il n’y avait que Moustaki pour réaliser ça.
Même, je ne sais pas, est-ce qu’un Duteil, un Cabrel, est-ce qu’un Souchon
aurait la chance qu’une Emma Thompson puisse accepter d’aller enregistrer. Et
en plus, lorsque je repasse cette chanson je me dis, elle est génialement
faite. Il y a de la pudeur chez cette femme, et Moustaki se lâche avec une très
grande réserve aussi, ce qui fait qu’il y a ….. Bien que Moustaki ait pu
chanter Pornographie, qui est une
sublime chanson aussi, parce qu’en fait, il parle de pornographie, mais je
pense que c’est de l’érotisme dont il parle plus que de la pornographie. Entre
parenthèse, je pense qu’il a voulu être provocateur, parce qu’il est
provocateur Moustaki ! Dans des chansons comme Chanson cri, La révolution permanente, Portugal, ce sont des
chansons qui prennent ; et d’autres qui sont fortes, toutes en tendresse,
comme Méditerranée. Ça c’est une chanson forte. Moi, j’aime les provocateurs comme ça, tout
en subtilité. »
Et pourquoi, les hommes aiment Moustaki ?
Alain Hivert : « Vous savez je ne suis pas psychiatre,
pas psychanalyste, je vais surement vous faire rire par ma réponse, mais je
vais tenter de répondre avec ma sensibilité. Je pense, les hommes quels
qu’ils soient, que ce soit un chasseur, un quincaillier, un boucher ou … Bref, tous les hommes, ont une part féminine en eux, comme les femmes
ont une part masculine. Ils la vivent secrètement dans Moustaki, tout
simplement. C’est
la seule explication que je peux donner… Ce n’est pas parce qu’on est un homme,
qu’on n’est pas sensible à la beauté de Moustaki, déjà, en tant qu’homme
physiquement parlant. Et puis, l’homme avec un grand « H », il a une
beauté en lui. Enfin, il a réussi ce qu’il dit avoir « raté », mais
dans une de ses chansons. Ce que nous, on a surement raté par contre ! Donc,
c’est tout ça je pense qu’il est … Puis, il y a une telle intelligence.
Moustaki, d’accord on le traite un peu de métèque, il a une gueule … on va dire
de prophète. C’est qu’il en est, réellement un ! Réellement un ! Je
le pense, parce que je me souviens avoir discuté chez lui, à Paris, et il me
disait des choses qui sont arrivées. Quoi ? Il a une vision du monde, que
je n’avais jamais vue chez un autre, et qui m’a toujours étonnée. Donc, c’est
vrai c’est un individu qui … (hésitation, il cherche ses mots), et puis, c’est
un Monsieur qui illumine. Quand il est là, il y a quelque chose. C’est incroyable. On peut appeler cela, l’aura. Mais je le trouve
extraordinaire. Donc, homme ou femme confondus, on est quand même sous le
charme de cet homme ! Tout en restant hétéro. Et c’est
l’homme qui parle … »
Je vous remercie.
Le spectacle.
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Et maintenant, Monsieur Moustaki, je vais vous relater cette
soirée.
La scène était dénudée. L’homme était vêtu de blanc,
comme vous. Il portait une écharpe et avait une guitare. Une
unique guitare… Point de musiciens. Mais, en aurait-il eu réellement
besoin ? Sans hésitation, je réponds : NON !
En ouverture, il y eut Je suis un autre. Quelques vers, quelques notes.
Simplement. Exclusivement. Je suis un
autre, n’a pas été chantée en entier.
Et ainsi, avec un fragment de votre chanson, face à
son public, Alain Hivert s’est présenté, s’est expliqué. Il a fait
connaître ses intentions et ses désirs. Un avertissement ? Oui. N’oubliez
pas que tout est "millimétré" dans son spectacle. Il l’avait dit,
souvenez-vous. Et sur scène, il était là, pour nous jouer du Moustaki, pour
vous jouer. A sa manière. Avec sa vision.
Avec sa voix. Pour ne pas être vous. Donc, il a attiré l’attention. Et de la
sorte, nous savions maintenant, qu’il allait "interpréter" Moustaki. Et, je pense
que c’est ainsi, que la chanson Je suis
un autre, caractérise l’esprit de sa pensée et donne un sens à son
spectacle. Mais vous savez, je peux me tromper !
Du sens, il y
en aura eu toute la soirée. Alain Hivert vous a chanté, vous a joué,
vous a conté avec attachement et tendresse.
Aussi, je me
souviens de Portugal, un vrai
enchantement. Il y avait la voix. Différente de la votre, je le reconnais. Il y
avait la guitare. Et il y avait l’émotion… Une splendeur
cette chanson ! Et dire que j’ai oublié de filmer…
Je me souviens aussi, de Sans la nommer, où j’ai perçu l’essence même et la profondeur de
votre chanson de 1974. Et peut-être, à ce moment là, ai-je rêvé d’une chanson à
deux voix (Avez-vous compris Monsieur Moustaki ??? Une voix, vous bien
sûr, et une autre voix … pourquoi pas … Alain
Hivert ? Mais, vous pourriez aussi, vous faire accompagner par les Frères
Ferré). J’ai donc rêvé, d’une chanson sans fantaisie et sans
déviation, mais qui serait dans la simplicité des mots, de la musique et de la
teneur du texte. Un très beau rêve Monsieur Moustaki.
Savez-vous
aussi, qu’il m’a fait aimer Madame
nostalgie ? Alors que je la trouvais, inquiétante avec Reggiani.
Serait-il un peu magicien, cet Alain Hivert ? Il n’y a rien d’étonnant,
c’est le propre des musiciens. C’est vous qui l’avez écrit, Monsieur Moustaki.
Et je vous le dis, Alain Hivert est musicien !
Je dois aussi, vous évoquer Grand-père. Peut-être la seule chanson, où il marche pudiquement
sur vos pas.
Et cela s’entend, Monsieur Moustaki, je ne vais pas
vous les préciser toutes. Cependant pour en finir, je dois vous dire qu’Alain
Hivert vous interprète fort bien et toujours avec une déférence affectueuse.
Les chansons interprétées
La Lozère nouvelle (22 août 2008)
L'Eveil hebdo (édition du 20-26 août 2008)
Midi Libre-Lozère (22 août 2008)